Il y a 15 ans, j'ai décidé de lâcher mon plus gros boulet.
Mon identité.


Pendant de nombreuses années, mon identité était scotchée à celle de "personne malade". Cela m'agaçait profondément, mais je ne me rendais pas compte que j'en étais le seul responsable. Angle mort.

Lorsque je me présentais dans les associations de malades, je disais "Bonjour, je SUIS Fanconi". Comme si mon identité entière était d'être "un malade"... Comme un autre dirait "je suis commercial" ou "je suis boulanger".

Et puis un jour, ça m'a sauté aux yeux !
Ou plutôt aux oreilles 👂...

TOUT le monde disait "je suis Fanconi". Ou que j'aille, France, Etats-Unis, Canada, Asie, la présentation était la même :

➱ I'm Fanconi Anemia.
➱ Ich Bin Fanconi...

Et la boom 💣, révélation.

Je ne suis PAS ma maladie !! 🤬 Bo*rdel de m*rde 🤬!!
Mon identité entière n'est pas uniquement définit par ça.
Je suis bien plus que cela ! Ben plus complexe, profond, multiple !! Musique, émotions, escalade, sensibilité, gouts, langage ... !

Depuis ce jour, j'ai choisi de changer de perspective.
Mon narratif intérieur et extérieur est passé de :

❌ Je suis Fanconi
à
✅ Je suis atteint de la maladie de Fanconi.

➱ Un micro-changement de syntaxe.
➱ Un maxi-changement de perception.

Ce fut une libération intérieur. Un cataclysme. Une ouverture de dingo. Une explosion d'énergie vers l'extérieur et un appel d'air immense. Enfin je pouvais respirer mes potentiels et mes possibilités. Enfin je m'autorisais à être davantage que la boite dans laquelle on m'avait enfermé et que je considérais comme "chez moi".

Cette anecdote fait peut-être écho avec des choses que vous avez vécu ?
Des changements de perspective ? Des moments Euréka ou vous avez shifté d'un coup votre dialogue intérieur ?


Il y a 15 ans, je me suis laissé tombé dans la banalité de qui j'étais vraiment.

Un être tout bêtement humain aux possibilités infinies.

Patrick Édlinger a été un maitre pour moi, malgré une fin tragique.

Voilà pourquoi.


La vie au bout des doigts, puis Opéra vertical, les deux films qui le font exploser au grand jour dans les années 80, vous vous souvenez ?

Respiration posée. L'épure et la précision de ses placements. Un quotidien simple tourné entièrement vers la grimpe.

La beauté de son geste vient de là : Adieu le superflu.

Malheureusement, la suite de sa vie est moins lisse. Patrick s’en va en 2012, après une chute chez lui. Il avait parlé de dépression et d’alcool. Pas de morale ici, juste des faits.

Et puis il y a Patrick Berhault, l’ami-frère de toujours, disparu en 2004 lors de sa grande traversée des 82 sommets de plus de 4000m des Alpes. Je ne tire pas de raccourcis hasardeux. Je pense juste que quand les liens amicaux qui nous tiennent se défont, tout devient plus raide.

Mon regard, humblement : Quand on s’éloigne de ses prises essentielles - l'art, le sport, sa famille, ses amis... - on se fragilise.

Je ne sais pas si c’est ce qui s’est joué pour lui. Mais pour moi c'est une boussole.

Ce que j’ai infusé d’Edlinger et qui a changé ma vie :

➱ Arrêter d’empiler les tâches à la noix.

➱ Couper les pensées et relations toxiques.

➱ Affiner la parole, la posture, et décider net.

➱ Profiter des choses simples, nature comprise.

➱ Prioriser la fluidité de l'exécution à l'acharnement.

➱ Chercher la justesse du placement plutôt que l'agitation.

➱ Choisir 3 priorités, 3 actions essentielles chaque jour, et les tenir.


Et transposé à l'entreprise (ce que je fais en conférence / coaching) :

✅ Arrêter de se plainte, transformer en plan.

✅ Choisir ses ascensions avec conscience et parcimonie.

✅ Installer des rituels de focus (moins de blabla, plus d’exécution)

✅ Dire oui ou non (ou "je ne sais pas" !) simplement, sans culpabilité.

✅ Séparer l’essentiel du superflu (projets, réunions, état d'esprit) avec des critères clairs.

Bref, remettre l’énergie vital en état de marche.

Edlinger ne m’a pas appris à en faire plus.

Il m’a appris à enlever pour faire juste.

C’est, à mon sens, l’apprentissage le plus précieux..

Et vous ? Que retenez-vous de cette légende de la verticalité ? Et qu’êtes-vous prêts à retirer pour que le reste avance vraiment ?

Le plus important est rarement ce qu'il nous arrive, mais ce que nous en faisons.


Une philosophie du “avec”

Le Grimpeur intégral n’est pas une méthode, encore moins une performance.
C’est une philosophie de vie concrète, une manière d’être au monde.
Une posture du corps, du mental et de l'esprit qui s’incarne dans chaque geste, chaque relation, chaque respiration.

Le Grimpeur intégral, c’est celui qui transpose la philosophie de l’escalade encordée – prudence active, partenariat, engagement, éthique de la voie et beauté du geste – dans toutes les sphères de sa vie : personnelle, professionnelle, spirituelle.

Voici les 6 mouvements fondamentaux que nous effectuons tous quotidiennement :


1. La gravité – condition du vivant

Le Grimpeur intégral comprend que la gravité fait partie du jeu de la vie.
Il ne cherche pas à la fuir, ni à la vaincre, mais à vivre avec, parfois même à jouer avec.
Car sans gravité, rien ne tiendrait, rien ne se tiendrait, rien n'existerait. Pas même l'humanité.
La gravité n’est pas un obstacle, encore moins une lutte, mais la condition même de tout mouvement.

Elle se manifeste sous mille formes : les épreuves, les chutes, les maladies, les pertes, les limites. En somme l'inattendu et l'indésirable sous toutes ses formes.
Le Grimpeur intégral ne nie rien de tout cela. Il reconnait que ces forces pèsent, tirent, ralentissent - mais il comprend aussi que c’est grâce à elles qu’il avance.
C'est pourquoi il va au-delà de la simple résilience et au-delà de la robustesse : il compose avec la gravité, avec le vide, avec le réel tout entier pour créer du nouveau, de l'inédit.

Sans gravité, il n’y a ni équilibre, ni croissance, ni vie.
C’est pourquoi le Grimpeur intégral se demande toujours :

Comment être au plus juste avec cette gravité constitutive de l’existence ?


2. Le paradoxe – cœur du réel

Le Grimpeur intégral sait que le paradoxe est la texture même du monde.
Pour grimper, il faut de la gravité. Pour s’élever, il faut accepter le lâcher de prise. Pour mieux prendre de la hauteur, il faut apprendre à dégrimper.

Car si tout était facile et léger, il n’y aurait ni tension, ni apprentissage, ni évolution.

Le vivant a besoin de contrainte pour exister.
Le Grimpeur intégral ne cherche donc pas à résoudre les contraires, mais à habiter la tension fertile entre eux.
Car c’est dans cette tension que naît la vie, que s’invente la justesse, que l'impensable devient pensable.


3. La justesse – éthique du geste

Le Grimpeur intégral ne cherche pas la perfection : il cherche la justesse.
Ou plutôt, il apprend à laisser la justesse se manifester à lui.
La justesse, c’est ce point d’équilibre entre la tension et le lâcher-prise,
entre le vouloir et le laisser-advenir,
entre la volonté et le consentement.

Dans l’action, dans la parole, dans la relation, le Grimpeur intégral cherche le geste juste : non pas celui qui force comme un âne, mais celui qui s’accorde, qui sonne juste.


Comme en musique, la justesse n’est pas tant la pureté du son, que l’accord vivant entre l’intention, la résonance et le laisser-advenir.


4. Le lien – l’art d’être encordé

Le Grimpeur intégral n’a rien à voir avec le “solo intégral”.
Il en est même l’opposé radical.
Car le Grimpeur intégral ne peut pas être seul, au sens de “déconnecté de”.
C’est une impossibilité philosophique.

Même s’il grimpe physiquement en solo, il le fait toujours avec :
avec la roche, avec le vent, avec la lumière, avec sa peur, avec le vivant tout entier.
Chaque mouvement est une conversation entre lui et le monde.

L’encordement devient alors une métaphore du lien :
la corde relie, retient, rassure, assure, rappelle.
Elle incarne la conscience que toute liberté est relationnelle.
Le Grimpeur intégral avance donc avec les autres, avec le monde, avec sa propre nature.
Il grimpe avec.


5. Le consentement – vivre avec

Vivre avec la gravité, c’est consentir à la vie telle qu’elle est.
Ce consentement n’est pas de la passivité, encore moins de la résignation.

C'est une forme active de sagesse.
Il ne s’agit plus de “vouloir aller mieux”, mais de vivre avec, de faire de son mieux avec.

Le Grimpeur intégral ne cherche plus à maîtriser le monde :
il le laisse se fondre en lui.
Il ne s’oppose plus à la vie : il s’y accorde.
Il se dissout, s’y perd même, et parfois ... s’y trouve.

C’est dans ce laisser-être qu’il arrêtera de se sentir "à côté de la plaque". C'est dans ce consentement fondamental qu'il pourra découvrir la plus grande des libertés :


Celle d’être pleinement accordé au réel.


6. L’élévation – fruit du chemin

L’élévation, pour le Grimpeur intégral, n’est jamais un but.
C’est une conséquence naturelle, le fruit d’une pratique vivante et joyeuse de la gravité, du paradoxe, de la justesse, du lien et du consentement.

Cette élévation naît souvent d’une chute, d’une descente, d’un dépouillement.
Mais quand elle advient, elle n’est plus verticale : elle est globale.
Elle n’oppose plus le haut et le bas, elle les réunit dans un même mouvement.

En prenant de la hauteur, la vie change.
En laissant la légèreté s'installer, la perception change. Le monde entier change, sous nos yeux.

L’élévation, c’est ce qui reste quand on ne résiste plus à la gravité.


Le mouvement du Grimpeur intégral

Gravité → Vide → Paradoxe → Justesse → Lien → Consentement → Élévation.

Ce mouvement est la respiration même de la vie.
C'est ainsi que le Grimpeur intégral - cycle d’accords et de désaccords, de tensions et de relâchements - trouvera sa juste place sur le rocher de l'existence.
Un mouvement perpétuel où le sens ne se trouve pas au sommet,
mais dans la manière de grimper, avec.

Pendant longtemps, je ne supportais pas la plainte autour de moi. Les gens qui se plaignaient pour une broutille, pour un oui ou pour un non, ça me faisait gerber.

Ça me donnait envie de leur dire " mais ferme ta gu**le ! Tais-toi ! Tu te rends pas compte de la chance que tu as, gros nigaud ! "

Mais la vérité, c’était qu’en faisant ça, en vivant ça, en entretenant ces pensées, ce jugement cette rancœur, c’est MOI qui m’interdisais de me plaindre..

𝗔𝗹𝗼𝗿𝘀 𝗾𝘂𝗲 𝗷'𝗲𝗻 𝗺𝗼𝘂𝗿𝗿𝗮𝗶 𝗱'𝗲𝗻𝘃𝗶𝗲.

Alors que pu*ain de bo*del de nouille, s'il y en a bien un qui aurait eu le droit - et le besoin - de se plaindre, c’était bien moi.

Dans mes premières années de conférencier, je disais en préambule :
Résiliez votre abonnement à la plainte !

OUuaiiiis ! Quelle bonne idée … de merde.

Tu imagines le mec qui vient de passer sous un 12 tonnes parce que le conducteur a trop bu, et qu’il se retrouve en fauteuil roulant, tétraplégique ?

Tu imagines lui dire à ce mec : « Résilie ton abonnement à la plainte, mec ! Tu as de la chance! »

S'il t’envoie pas un pain dans la tronche, c’est que t’as de la chance… Ah zut il est en fauteuil alors il pourra pas… Bon alors il va t’insulter comme si tu étais le diable en personne venu lui enfoncer le couteau dans les jambes qu’il n’a plu, et dans le cœur qui saigne déjà comme les chutes du Niagara.

Bref, inaudible.

Alors, c’est quoi le fin mot de l’histoire ?

Il n'y en a pas.
Juste un constat :

➱ Parfois, on a besoin de gueuler.
➱ Parfois, on a besoin de se taire.

𝗘𝘁 𝗽𝗮𝗿𝗳𝗼𝗶𝘀, 𝗼𝗻 𝗮 𝗷𝘂𝘀𝘁𝗲 𝗯𝗲𝘀𝗼𝗶𝗻 𝗾𝘂’𝗼𝗻 𝗻𝗼𝘂𝘀 𝗳𝗼𝘂𝘁𝗲 𝗹𝗮 𝗽𝗮𝗶𝘅.

Alors non, je ne dis plus “Résiliez votre abonnement à la plainte”.

Je dirais plutôt :

Écoutez la plainte. La vôtre. Celle des autres. Mais n’en faites pas une religion.
Et surtout, surtout :

𝗡𝗲 𝘃𝗼𝘂𝘀 𝗷𝘂𝗴𝗲𝘇 𝗽𝗮𝘀 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝗰𝗲 𝗾𝘂𝗲 𝘃𝗼𝘂𝘀 𝗿𝗲𝘀𝘀𝗲𝗻𝘁𝗲𝘇.

On est tous des paradoxes ambulants.

➱ Ceux qui ne se plaignent jamais rêvent de lâcher un bon coup de gueule.
➱ Ceux qui râlent tout le temps rêvent de savoir tenir leur langue.
➱ Et moi… je rêve juste qu’on arrête de rêver à une version "parfaite" de nous-mêmes.

Allez, bonne journée les amis.
Pleine de râleries, de soupirs, de silences, de gratitude, de jurons…

Et peut-être même un peu de sérénité 😌.



Christophe 
Bichet

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